Paroles de la chanson Réquisitoire contre Robert Lamoureux par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Robert Lamoureux par Pierre Desproges

Réquisitoire contre Robert Lamoureux

16 décembre 1980
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public adoré.

Il faudrait peut-être voir à voir à pas me prendre pour un imbécile ! J'ai fort bien compris votre jeu, monsieur le président Villers. Depuis près de trois quarts d'heure, sous couvert de faire le procès de Robert Lamoureux et de son antimilitarisme, c'est le procès de l'armée que vous faites ! Et vous le faites avec la complicité de vos assesseurs couchés, qui restent muets quand vous salissez le drapeau, de votre huissier courbé, qui lit L'Érotisme dans le cinéma porno de 1978 à nos jours depuis le début de l'audience, et de cette infime souillure du barreau cryptocommuniste de gauche, pour qui la France n'est que le pays du Champagne et des femmes, encore que, vu l'insignifiance de son charme, il doive se contenter en guise d'orgie mondaine de lire Union en sifflant du mousseux avec une paille, car on n'a que deux mains, si vous le voulez bien !

Alors, certes, dans ces conditions, on a beau jeu de faire de l'antimilitarisme primaire. Et c'est honteux, mesdames et messieurs les jurés, c'est honteux, parce que l'armée est notre MÈRE, et que, comme notre mère, nous devons l'aimer, la respecter, et payer scrupuleusement nos impôts dont les trois quarts iront à la fête des mères puisque ça part au budget de l'armée. Ah, monsieur le président ! Ah, monsieur Lamoureux, comme je plains les malheureux qui n'ont pas eu la chance de faire leur service militaire ! Tant il est vrai, on ne le répétera jamais assez, que c'est vraiment dans l'armée, et nulle part ailleurs, qu'on fait l'apprentissage de sa virilité. Prenez n'importe quel petit jeune homme effacé. Peignez-le en kaki et mettez-le avec vingt autres enkakifiés comme lui, et vous verrez comme ils trouveront ensemble le noble courage de siffler les jupons qui passent, d'insulter les mères de famille, de pisser sur les quais de gare en bramant des chansons à boire, d'organiser de distingués concours de pets dans les chambrées pour égayer les longues soirées d'hiver. J'en ai même vu, de ces bons petits soldats français moyens, encore timides derrière leurs boutons d'acné, j'en ai même vu organiser des courses de tortues tout à fait originales : je vous donne la recette, que je n'ai pas essayée moi-même, par excès de sensiblerie sans doute, mais je garantis l'authenticité de la chose. Vous prenez votre tortue dans la main gauche, ou la droite si vous êtes gaucher. De l'autre main qui est armée (vive l’armée !) d'une lame de rasoir, vous découpez sur quelques centimètres la peau dure qui est juste sous la carapace, au-dessus de la queue. Dans le trou ainsi pratiqué, vous enfoncez un morceau de coton hydrophile. (À ce stade de la recette, je conseillerai aux personnes sensibles, ainsi qu'à celles qui n'aimeraient pas la cuisine exotique en général et la soupe de tortue en particulier, de passer sur France Culture, où « dans le cadre de la communauté des programmes de langue française, Radio France et la Radio suisse-romande sont heureuses de vous présenter "Jean-Jacques Rousseau est-il un con ?" ou "La Nouvelle Héloïse est dans l'escalier", une émission proposée par Jean-Edern Saint-Bris, avec Georges Descrières dans le rôle de Jean-Jacques, Jean Piat dans le rôle de Rousseau, et une baguette bien cuite dans le rôle de Luis Rego ».)

Alors bon, quand le coton est dans la tortue, vous l'arrosez d'essence. On dispose ainsi sur la ligne de départ autant de tortues qu'il y a de joueurs, et quand le juge arbitre crie « Partez ! » Chacun allume sa tortue. Et c'est la première arrivée en vie qui a gagné ! Qu'est-ce qu'on se marre à l'armée !

Alors que dans le civil, si vous laissez seuls face à face le même jeune type et une tortue, le jeune type n'aura pas d'autre idée que celle, assez peu exaltante, avouons-le, de donner une feuille de salade à la tortue. Il lui mettra de la paille sur le dos pour qu'elle ne prenne pas froid la nuit dans le jardin, et il l'appellera Fifîne ou Pamela. Pour canaliser et exalter cette joie virile d'être ensemble, l'armée a mis au point la plus belle création du génie humain après la poupée gonflable. J'ai nommé la marche au pas. La marche au pas, c'est la vraie différence entre l'homme et la bête. D'ailleurs aucune bête ne marche au pas ! Si, l'oie ! « L'ordonnance sur l'exercice et les manœuvres de l'infanterie », qui date du siècle dernier, et qui n'a d'ailleurs jamais été égalé ni en ce qui concerne la qualité du style ni en ce qui concerne l'efficacité, reste à nos jours le plus bel hymne à la marche au pas que l'homme ait jamais créé. Jugez plutôt :

« La longueur du pas ordinaire est de soixante- quinze centimètres d'un talon à l'autre talon, et la vitesse du pas sera de soixante-seize pas par minute. L'instructeur, voyant la recrue affermie dans la position (ça veut pas dire qu'elle est en rut...), lui expliquera le principe et le mécanisme du pas, en se plaçant en face du soldat, à sept pas de lui. »

En même temps qu'il expliquera le principe, l'instructeur exécutera lui-même lentement le pas. »

L'instructeur dira. Premièrement : En avant. Deuxièmement : Marche. »

Au premier commandement (En avant), le soldat portera le poids du corps sur la jambe droite. Au second commandement (Marche), le soldat portera vivement, mais sans secousse (c'est pas disco), le pied gauche en avant à soixante-quinze centimètres du pied droit, le jarret tendu, la pointe du pied un peu baissée et légèrement tournée en dehors ainsi que le genou. Il portera en même temps le poids du corps en avant, et posera SANS FRAPPER le pied gauche à plat, exactement à la distance où il se trouve du pied droit, tout le poids du corps se portant sur le pied qui est déjà posé à terre. Le soldat passera ensuite VIVEMENT, mais SANS SECOUSSE, la jambe droite en avant, le pied passant près de la terre, et posera ce pied droit à la même distance et de la même manière qu'il vient d'être expliqué pour le pied gauche, et le soldat continuera ainsi de suite, un pied après l'autre, SANS QUE LES JAMBES SE CROISENT. »

Il y en a que cela fait sourire, hélas ! Peuple impie ! Savez-vous ce qui se passerait, si tous les soldats du monde voulaient bien se croiser les jambes en marchant au pas ? Tout simplement, ils tomberaient le nez dans l'herbe au moment de charger, et comme ceux d'en face en feraient autant, le champ de bataille ne serait plus qu'un champ de pâquerettes où le monde entier ferait la sieste en mâchant du gazon. Et quand on commence à mâcher du gazon, on finit par fumer de l'herbe !

Pour l'accusé Robert Lamoureux, je lui laisserai le choix entre deux peines assez dures : ou vingt ans de prison, ou apprendre par cœur « L'ordonnance sur l'exercice de l’infanterie ».

Robert Lamoureux : Artiste, comédien et auteur comique dont la postérité ne retiendra qu'un sketch, « Papa, maman, la bonne et moi », et un film. Mais où est donc passée la 7e compagnie ? Au fait, où est-elle passée ?

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