Paroles de la chanson Réquisitoire contre Gérard Lauzier par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Gérard Lauzier par Pierre Desproges

14 novembre 1980

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri.


Que nous dit Alfred de Vigny dans La Saga du temps qui passe ?

Et d'abord, est-ce bien d'Alfred de Vigny, La Saga du temps qui passe ?

Et si c'est bien d'Alfred de Vigny, est-ce que ça s'appelle bien La Saga du temps qui passe ?

Ô incertitude ! « Sola certituda : couillam meam glassum» : «La seule certitude que j'ai, c'est qu'on se gèle les... euh... couillam meam glassum »... Oui, « la seule certitude que j'ai, c'est qu'on a froid partout », disait l'abbé Résina, dans je ne sais plus quel passage…

En tout cas, et c'est là que je voulais en venir, mesdames et messieurs les jurés, dans la saga de machin d'Alfred Truc, Alfred Machin se révèle comme le premier poète français qui ait mis le doigt où ça ? Sur le malaise des cadres. Le malaise des cadres, qui, si j'ai bien compris, est le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui, enfin je veux dire « qui vous préoccupe », mesdames et messieurs les jurés, parce que personnellement j'en ai rien à foutre : moi, du moment qu'on coupe la tête de l'accusé Lauzier ici présent, je suis content, et je me fous bien de savoir pourquoi. J'ai d'autres problèmes, autrement plus graves. D'ailleurs je profite de l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui par Europe... par France Inter pour vous dire, monsieur le président, que le malaise des cadres, c'est rien, à côté du malaise des procureurs ! Parfaitement, mesdames et messieurs les jurés, sous la robe austère de la justice, il y a un malaise ! Un malaise qui ne peut que s'accroître... Les procureurs de la République sont exploités ! Nous voulons en finir avec les cadences infernales ! L'autre soir, j'ai voulu regarder la rétrospective Cloclo de Guy Lux à la télé ! Le lendemain matin à 4 heures, drrring ! Le réveil ! Nous disons : Assez d'exécutions capitales à l'aube ! Oui à la guillotine le soir ! (Guillotine du soir, espoir !)

Vous croyez que c'est drôle, vous autres, de se lever à 3 heures du matin ? Rien que traverser Paris à l'aube, au milieu de tous ces émigrés qui ne pensent qu'à vider les poubelles des Français entre deux larcins, ça vous gâche le plaisir d'aller voir tomber les têtes !

C'est pourquoi, tous unis au sein du RPR (Rassemblement des Procureurs Rétro), ne pas confondre avec le RPR de Chirac (Rassemblement Pour Ringards), les travailleurs en robe du ministère public exigent dès à présent le report à 17 heures de la guillotine de 5 heures. S'il le faut, nous poursuivrons notre lutte jusqu'au bout, grâce à l'appui inconditionnel de nos camarades de la CGT (Comité pour la Guillotine Tardive).
Je pense que la cour y voit plus clair maintenant dans cette affaire Lauzier !

Il y a donc un malaise des cadres ! Qu’entendons-nous par « malaise » quand ce mot est employé non pour désigner un trouble physique, mais un trouble dans le comportement psychosocial. Au reste, le mot « malaise », dans ce sens-là (trouble du comportement psychosocial), n'a- t-il point déjà été employé, jadis, dans une page célèbre de la littéraire française? N'est-ce point Albert Hugo qui écrivait, dans Les Misérables, à propos du malaise :

C'est Eugène, qu'est dans la gêne,
quand on l'malmène ,
C'est Gudule,
qu'est ridicule,
quand on la brûle,
Et c'est Thérèse, qu'a un malaise,
quand on..., etc.

En tout cas si c'est pas dans Les Misérables, ça doit être dans Le Retour des Misérables, ou dans Les Misérables contre Dr. No. En tout cas, c'est d'Hector Hugo.

Donc Lauzier est coupable, c'est clair !

Vous êtes coupable, monsieur Lauzier, parce que vos écrits et vos petits Mickeys subversifs et tendancieux laissent à penser que les cadres sont des êtres chafouins, mesquins, riquiqui, sottement angoissés, tristement impuissants, psychiquement instables, socialement grotesques, intellectuellement et sexuellement rétrécis pour ne pas dire châtrés. Or, mesdames et messieurs les jurés, vous le savez, dans une démocratie digne de ce nom il y a deux règles strictes :

Premièrement, on ne doit pas mettre ses doigts dans son nez pour dire bonjour à la dame.

Deuxièmement, on ne doit pas dénigrer les cadres ! Car les cadres, tout cons qu'ils sont, certes, sont l'indispensable pilier de notre magnifique société de consommation coincée. En vérité, je vous le dis : il n'y a pas de société moderne sans cadres, de même qu'il n'y a pas de hachis Parmentier sans restes de cochon, que vous pouvez faire revenir avec sel, poivre, thym, Lauzier, estragon...

Non seulement les cadres sont l'orgueil de la nation, mais ils en sont aussi la plus noble illustration esthétique ! Ah, qu'ils sont beaux, nos cadres, tous pareils, avec leur petit blazer, leur petit attaché-case, leurs petites poches sous les yeux gonflées de chivas, leur petite chaîne deux fois cinquante watts, un œil sur la caisse des cadres et l'autre sur Le Monde, le plus objectif des journaux constipés, le plus terne des journaux gris, le seul quotidien français qui ose être encore plus chiant que le catalogue des Trois Suisses (c'est nul les Trois Suisses, d'accord, mais au moins y a des mémères fardées en gaines à froufrous dedans !, tandis que dans Le Monde, rien du tout). Le Monde ? C'est le seul journal qu'on redoute à Roubaix !

Donc, Lauzier est coupable. Je suggère qu'on lui coupe la tête sans ménagement dès dimanche prochain, mais si possible après 17 heures, afin que j'aie le temps d'aller aux vêpres.

Gérard Lauzier: Cet auteur de BD a courageusement complété les poèmes des troubadours de jadis en prouvant que le lieu le plus fréquenté de la carte du tendre n'est pas le cúur mais la raie des fesses. Et si possible en groupe.

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