Paroles de la chanson Réquisitoire contre Georges-Jean Arnaud par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Georges-Jean Arnaud par Pierre Desproges

Réquisitoire contre Georges-Jean Arnaud

14 mai 1981

Françaises, Français, camarades, camarades,
Belges, Belges, Lichtintaines et Lichtintins,
Zimbabouines, Zimbabouins,
Portoricaines, Portoricains,
Porto minable,
Porto rouge, porto blanc, porta droite, porta gauche ?
Mon président mon chien, ma petite Charlotte,
Serre Zorge-Jean... Cher Georges-Jean (vous ne pouvez pas vous appeler François comme tout le monde ?),
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri, mon amour.

Je ne suis pas venu ici, aujourd'hui, là, maintenant, tout de suite, présentement, nonobstant la conjoncture et en vertu des pouvoirs qui me sont conférés, alors que le temps qui m'est imparti touche à sa femme, tandis que Rego touche à la mienne. Ne nie pas, Luis, depuis que je t'ai présenté ma femme, elle ne veut plus faire ça qu'ensablée, et à la maison, ça pue la morue jusque dans le cœur des frites... Où en étais-je ? Une fois de plus, j'ai été interrompu par moi- même. Écoutez, Desproges, je ne vous ai pas interrompu, alors je vous en prie !

Je ne suis pas venu aujourd'hui, disais-je, pour parler de Georges-Jean Arnaud. Le destin de Georges-Jean Arnaud m'indiffère autant que les ébats sexuels de Marguerite Duras dans les semi-remorques à Rungis. Et d'abord, Françaises, Français, Lichtintaines et Lichtintins, qui connaît Georges-Jean Arnaud en dehors de ses trois millions de lecteurs ? Personne, absolument personne. J'eg-ja-jère, Jean, Georges- Jean ? Georges-Jean, j'egjagère ? Eche que j'egjagère, Georges-Jean ? Non, chertes, ch'est chûr ! J'egjagère pas. (Vous devriez vraiment vous appeler François.)

Voulez-vous une preuve rapport au plan du niveau du fait que personne ne connaît Georges-Jean Arnaud ? Je me trouvais l'autre jour dans la salle des archives littéraires de la seconde moitié du XVIe siècle de la Bibliothèque nationale de Paris. Qui vois-je absorbé dans la lecture de la première édition des Essais de Montaigne (celle de 1580, évidemment) ? Poulidor ! En sept ans il a beaucoup changé !

« Salut, Pipi », lui fous-je.
Pouf pouf.
« Salut, Poupou ! lui fis-je. Ote-moi d'un doute. Connais-tu Georges-Jean Arnaud ?
- Non, mais j'espère faire mieux la prochaine fois », répondout Pipi, répondit Poupou.

Donc, personne ne sait qui est Georges-Jean Arnaud. Raison de plus pour lui couper la tête : personne n'ira le réclamer aux objets trouvés s'il disparaît. D'ailleurs, personne n'est irremplaçable, même Giscard, même Mitterrand (vivement l'alternance !).

Je ne suis pas venu aujourd'hui pour parler de Georges-Jean Arnaud. Non. Abordons plutôt ensemble, mesdames et messieurs les jurés, et vous aussi, chers camarades, abordons plutôt ensemble un sujet plus important, plus actuel, plus tangible. Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les jurés (et croyez bien que je regrette infiniment que nos millions d'auditeurs ne puissent pas le constater eux aussi, hélas !). Comme vous le voyez, dis-je, je me suis fait couper les cheveux.

Oh, ne souriez pas, monsieur Villers ! Je connais votre égoïsme. Vos petits problèmes personnels, votre loto, votre tiercé, ça, oui, ça vous intéresse. Mais que je me sois fait couper les cheveux ou pas, vous vous en foutez ! Elle est belle la France ! Je me suis fait couper les cheveux, et si j'en parle, c'est parce que cette coupe de cheveux s'est déroulée dans un contexte tout à fait inhabituel, pour ne pas dire exceptionnel.

En effet, mesdames et messieurs les jurés, c'est à peine croyable, le nouveau coiffeur que j'ai trouvé m'a coupé les cheveux sans me parler ! Et ça, comme disait Saint-Exupéry, qui avait oublié d'être con, sinon il n'aurait pas été canonisé, comme disait Saint-Exupéry : « Couper les cheveux sans causer, aucun coiffeur au monde ne l'aurait fait. »

Merci à toi, ô gentil capilliculteur frappé de mutisme. Merci à toi ! Merci de ne pas m'avoir fait part de ton analyse des résultats de l'élection présidentielle ! Merci de ne pas m'avoir communiqué ta crainte d'une recrudescence de la délinquance juvénile en milieu urbain ! Merci, coiffeur, de ne pas m'avoir fait partager ton opinion sur la disparition des saisons ! Merci de ne pas m'avoir contraint à débattre avec toi de l'opportunité de remplacer les travailleurs maghrébins par des fainéants français derrière les bennes à ordures citadines ! Merci de ne pas m'avoir Contraint à évaluer le pourcentage d'étrangers dans les hôpitaux de l'Assistance publique. Merci, coiffeur ! C'est déjà pas marrant de se faire tripoter le crâne par quelqu'un qui n'est pas nécessairement de votre milieu, mais qu'on ne nous demande pas de surcroît de servir de réceptacle aux états d'âme capillicoles ! (« Capillicole », du latin « capilaris », le cheveu, et « licol », qui vient de l'arabe « licol » : l'ossature. Exemple : « li col du fémur ».) Ou, je parle couramment l'arabe littéraire. Je l'ai appris avec une jeune Libanaise qui est complètement folle de mon corps. C'est une fille d'une sensualité extraordinaire, une chrétienne libanaise, avec un prénom chrétien, Nadine, et un nom arabe, comme tous ces gens-là : Nadine Zobi. Une affaire.

La seule corporation qui puisse tenir tête aux coiffeurs sur le plan de l'incontinence verbale, c'est celle des taxis. Il y a deux sortes de taxis à Paris : les racistes et les bougnoules. Quand j'emploie le mot « raciste », j'étends évidemment ce terme à toutes les formes de rejets hystériques de l'autre, l'autre pouvant être aussi bien le juif, l'homosexuel, le chevelu, le Noir, le jeune, le vieux, le 78, et bien sûr la femme. A ce propos, je ne résiste pas au plaisir de vous narrer ce bout de promenade en taxi que Louis Rego et moi vécûmes ensemble il y a quelques jours. Le chauffeur était une forte femme bien proprette d'une quarantaine d'années. Près de la place de la Concorde, une petite Fiat pilotée par une jolie bourgeoise (on a le droit de dire que les bourgeoises sont jolies avec Mitterrand ?). Enfin, une jolie bourgeoise un peu distraite nous fit une toute petite queue de tout petit poisson.

Aussitôt, notre conductrice entra dans une colère apocalyptique, et tout en poursuivant la fautive dans l'espoir vain de la faire chuter dans la Seine, elle nous fit juges, Luis et moi, de sa désapprobation catégorique, tout en baissant violemment sa vitre afin que la coupable n'en manquât pas une miette.

« Va donc, eh connasse, dit cette dame. Non, mais vous avez vu cette connasse ! Ça va pas la tête, eh connasse ! Ah, dis don', a s'croyent tout permis ces connasses avec leur MLF! Non, mais c'est pas des conneries, depuis qu'elles sont libérées, elles ont perdu leur féminité ces connasses ! » Et la dame conclut, comme pour nous achever : « Et je sais de quoi que j'cause, ça fait quinze ans que je vis avec une bonne femme. »

Donc Georges-Jean egjagère. Je pense que ce serait une bonne idée qu'on lui coupe la tête. C'est peut-être un peu dur, Georges-Jean, c'est peut-être même un peu hâtif comme jugement, mais excusez-moi en ce moment, je n'ai plus goût à rien. Ce n'est pas tant l'avènement de François Mitterrand qui me pèse au cœur, c'est la démission du général de Boisseu !

Georges-Jean Arnaud : Demandez aux gens dans la rue s'ils connaissent Georges-Jean Arnaud. Personne ne vous dira que c'est l'auteur du Salaire de la peur. D'ailleurs, ce n'est pas lui.

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