Paroles de la chanson Réquisitoire contre Catherine Allégret par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Catherine Allégret par Pierre Desproges

11 février 1981

Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les jurés,
Cher public, Catherine chérie !
Pardon, chère Catherine, public chéri.

Que la cour me pardonne : je ne puis requérir contre Catherine Allégret, car je l'aime trop, depuis le jour où, sur la scène de l'Olympia, j'ai eu l'immense honneur de chanter Les Lavandières du Portugal avec elle, c'est une comédie musicale d'une fulgurante beauté, avec Alain Souchon dans le rôle de Julio Iglesias, Laurent Voulzy dans le rôle d'André Verchuren et Evelyne Grandjean dans le rôle de la deuxième Portugaise ensablée.

Je parlerai plutôt aujourd'hui de la mort brutale d'un homme, une mort subite dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Jacques Dufilet n'est plus.

Le plus grand malfaiteur de l'humanité depuis Hitler vient de s'éteindre sans bruit à 78 ans dans son manoir prétentieux des hauts de Saint-Tropez, non pas à la suite d'une longue et cruelle maladie, mais à la suite d'une courte maladie rigolote, en l'occurrence la peste hilarante, qui se caractérise par l'apparition soudaine de bubons chatouilleurs sous les aisselles. Après une courte période d'abattement, la température du malade monte en flèche et il meurt alors en quelques minutes secoué de hoquets d'hilarité hystérique face à sa famille en larmes. Oui, mes frères, gloire à Dieu au plus haut des deux, alléluia, Jacques Dufilet est mort dans d'atroces souffrances. Et c'est bien fait pour sa gueule.

La vie entière de cet homme fut consacrée au mal, puisque c'est lui qui a inventé le collant pour dames, assassinant du même coup des millions et des millions de porte-jarretelles qui ne lui avaient rien fait. Honte à toi, Jacques Dufilet ! Maudit soit ton souvenir ! Que les mailles du filet satanique se referment à tout jamais sur ton spectre en nylon transparent indémaillable ! Ah, crapule ! Que n'emportes-tu dans la tombe ton invention diabolique qui a ravalé la femme au rang du saucisson d'Arles et détruit en nos cœurs et dans nos âmes la flamme sacrée de l'érotisme le plus pur - celui du porte-jarretelles et du bas résille, troublante émotion qui naissait à la vue du plus beau spectacle qui se puisse offrir aux yeux de l'homme : cet inestimable morceau de vous, madame, ce carré de chair tendre à la rondeur duvetée, entre la mi-cuisse et le pli de l'aine, exquise frontière entre vos genoux pour tout le monde et votre amour pour moi tout seul !

Il n'y a pas une Joconde, il n'y a pas une acropole, il n'y a pas un coucher de soleil sur le Nil, qui soit aussi beau, aussi pleinement beau, que le divin spectacle d'une femme en porte-jarretelles et bas de soie ! La beauté d'une femme en porte-jarretelles est la preuve même de l'existence de Dieu ! Le porte-jarretelles, c'est toute la différence entre l'homme et la bête !

D'ailleurs, je vous le demande, Françaises, Français, a-t-on jamais vu une guenon en porte-jarretelles ? Même au RPR ?

Jacques Dufilet était né le li novembre 1902 à Tricloret-sur-Tïlène, d'un père marchand de glu et d'une mère faiseuse de caramels mous : une lourde hérédité qui allait bien sûr le pousser à faire dans le collant.

C'était un personnage grossier, très grossier. Il était tellement grossier qu'au moment de sa mort il allait entrer dans sa soixante-dix-neuvième année sans frapper ! Quel rustre !

Psychologiquement parlant, Jacques Dufilet était normal, pour ne pas dire banal. Certes, au cours de sa prime jeunesse, à cet âge où les jeunes garçons normaux se titillent le pédicule, il faisait preuve d'une certaine austérité de múurs : c'est ainsi qu'à 14 ans et demi, il fut le premier à mettre au point une méthode d'insémination artificielle des insectes diptères communs, parce que, devait-il déclarer plus tard au journal Le Monde : « J'en avais marre de voir ce que certains dépravés n'hésitent pas à faire aux mouches. » À ce détail près, Jacques Dufilet était un garçon comme vous et moi, surtout comme moi, c'est-à-dire ni pédé, ni impuissant. Aussi, je vous le demande, mesdames et messieurs, comment un mec ni pédé ni impuissant a-t-il pu inventer le collant pour dames ?

C'est peu après la fin de la dernière guerre mondiale que l'idée germa dans le cerveau obscur de Jacques Dufilet. Jusqu'à cette période, le moins qu'on puisse dire est qu'il ne fit point d'étincelles. Sa conduite pendante les années noires de l'Occupation laisse même à penser qu'il était légèrement idiot. C'est ainsi qu'il se jeta à corps perdu dans la collaboration avec l'occupant fin juin 1944. Après quoi, constatant son erreur, il prit le maquis en janvier 1946. Et c'est là, quelque part au-dessus de Bayonne, en regardant travailler le confectionneur de jambons fumés qui l'hébergeait, que le hasard fit basculer le destin de Jacques Dufilet ; le charcutier tenait son jambon d'une main et l'enfilait de l'autre dans un filet resserré par un élastique dans sa partie haute : cet humble rustre pyrénéen ne s'aperçut pas qu'il allait inconsciemment contribuer à la plus grande révolution dans le vêtement féminin depuis le remplacement de la peau d'urus sauvage par la crinoline à soufflets.

« Mais... mais... vous ne mettez pas de porte-jarretelles à votre jambon », dit Dufilet à Duconnaud, car c'était lui ! Bon sang, mais c'est bien sûr ! L'époque était à la pénurie. ourris de rutabagas et de topinambours pendant la guerre, les bombyx du mûrier, le teint blême et les traits tirés, ne tissaient plus qu'une soie lâche et revêche impropre à la fabrication du bas.

« Qu'importe ! Je ferai des collants à jambon en nylon ! » ricana Dufilet en finissant de vider la timbale de Duconnaud, en vertu d'une vieille coutume qui veut qu'on boive dans le gobelet des autres quand on n'a pas de verre à soi !

De retour chez lui, Dufilet se lança alors dans la fabrication effrénée du collant pour dames. Interviewé pour Jours de France par Gonzague Six-Briques (le père de Gonzaque Saint-Brique) en juin 1947, il annonça au monde que sa découverte était enfin prête à s'étendre au monde entier. L'article était illustré par une photo en collant chair de mademoiselle Anne Gaillard, alors mannequin-vedette chez Marcel Dassault, et souligné par une légende pleine de tact :

« Voici le premier collant fabriqué par la maison Dufilet. Comme le montre notre document, monsieur Dufilet n'a pas tort lorsqu'il affirme que ce qui est bon pour le jambon ne peut pas être mauvais pour le boudin. » Je crois que j'en ai terminé maintenant. Catherine Allégret, je requiers, je suis désolé car je vous aime, je requiers contre vous la peine de mort, à moins que vous ne puissiez prouver à la cour que vous portez un porte-jarretelles.

Catherine Allégret : C'est l'actrice dont on dit : « Ce ne serait pas la fille de... » Exact: c'est la fille de Simone Signoret. On ajoute : « C’est donc aussi la fille de... » Faux. Ce n'est pas la fille d'Yves Montand. Pour une fois que c'est vrai.

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