Paroles de la chanson Paris par Léo Ferre

Auteurs: Léo Ferre

Compositeurs: Léo Ferre

Editeurs: Les Nouvelles Editions Meridian,La Memoire Et La Mer

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Paroles de la chanson Paris par Léo Ferre

L'Europe s'ennuyait sur les cartes muettes
Des pays bariolés chercheurs d'identité
Couraient à leur frontière y faire leur toilette
Paris n'existait pas alors ils l'inventaient

Paris claquait comme une main
Sur le visage de la terre
Et les clients les plus malins
Venaient y lire leurs misères
De Vaugirard à Levallois
Des Lilas jusqu'au pont de Sèvres
Paris portait sa grande croix
Dorée par des millions d'orfèvres
La tour Eiffel jouait aux dés
Sa ridicule nostalgie
Les Tuileries se démodaient
Au souvenir des panoplies
Et de l'Étoile au Panthéon
En bataillons imaginaires
Des héros passaient en veston
L'esprit français faisait la guerre

Le canal Saint-Martin qui rêvait à la Seine
Havre des assassins et des amants perdus
La Seine s'ennuyait là-haut au Cours-la-Reine
Foutant l' camp vers Auteuil pour qu'on n'en parle plus

Clochards mendiants cour des Miracles
Seigneurs patentés de la nuit
Qui finissez tous vos spectacles
Au rideau des ponts de Paris
Émigrés d'Europe centrale
Des Amérique(s) ou bien d'ailleurs
Qui refaites vos initiales
L'identité n'a pas d'odeur
Ouvriers, Artisans, Poètes,
Enfants chéris de l'amitié
Enfants d'Auteuil, de la Villette
O comme vous vous ressemblez
D' la gar' de l'Est qui se mourait
Dans les fumées épileptiques
Les aiguillages étranglaient
Tous les requiems germaniques.

Les autos et les gens le soir à Saint-Lazare
Jouaient leur grand' passion pour des christs en képis
Passagers d'occasion, visiteurs à fanfares,
Le monde est trop petit pour contenir Paris.

Ceux qui changeaient à République
Avaient les sangs tout retournés;
Y'a des mots qui font d' la musique
Et qui dérangent l'alphabet.
Car le métro à Stalingrad
Roulait des souvenirs lyriques
Certains en prenaient pour leur grad'
Au portillon automatique.
Colonel Fabien, Bonsergent,
Vocabulaire de la gloire:
Petit Larousse devient grand
Paris a pas mal de mémoire.
Vers Opéra, vers Madeleine
Discrètement s'en sont allés
Ceux qui filaient encor la haine
A leurs quenouilles périmées.

Débiteurs de Paname encombrés de créances,
C'est au quartier Latin qu'on pointera vos "i"
De Saint-Germain-des-Prés pour signer vos quittances
En quelques vers français nous rimerons Paris.

Cette nuit-là Paris portait
Toutes les femmes en gésine
Les gavroches qui en sortaient
Au Sacré-Coeur sonnaient matines
Et les aveugles de Paris
Se sont pendus à ma défroque
Dans leurs yeux blancs en travestis,
Se reflétaient d'autres époques.
Paris d'Hugo et de Villon
Paris qui pleure de Verlaine,
Le peuple change à la Nation
Le Caporal à Sainte-Hélène
Des bas-fonds de la délivrance
Montait un chant désespéré
La capitale de la France
Réinventait la liberté liberté liberté liberté.

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