Paroles de la chanson Réquisitoire contre Pierre Troisgros par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Pierre Troisgros par Pierre Desproges

Réquisitoire contre Pierre Troisgros

7 octobre 1982

Françaises, Français,
Charlottes, Chariots,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri, mon amour.
Bonjour ma colère, salut ma hargne, et mon courroux...
Coucou.

Oui, oui, je le sens bien. Ce n'est plus le moment de rire. Je le devine dans tous ces regards de Clermont- Fernandes-z-et de Clermont-Fernands, mesdames et messieurs, vous vous dites : « Mon Dieu, est-ce qu'il va nous donner la fameuse recette du cheval Melba ? » Eh bien, oui : le secret de Troisgros, le succulent cheval Melba, en voici la recette !

Tout d'abord, il faut savoir, et monsieur Troisgros ici présent vous le confirmera, chaque grande recette de cuisine a une origine historique qui vaut d'être contée.

Le cheval Melba.

Au siècle dernier, le duc Jean-Edern Poirot-Delpech-Melba vivait en concubinage avec son cheval Revient. Le cheval, ce fier bestiau, qui est la plus noble conquête de l'homme ! Tu parles ! Vous savez pourquoi l'homme aime le cheval ? Parce que le cheval ne se révolte pas quand des nains bariolés lui balancent des coups d'éperon dans le bide tous les dimanches pour enrichir des connasses emperlouzées avec les primes d'allocations familiales des chômeurs. C'est le sport national français ! Le cheval du duc portait toujours un collant qui lui maintenait les prunes dans les courses de haie. « Je te préférerais avec des bas », lui dit un jour le duc, qui était obsédé, ou alors dites tout de suite que c'est moi.

Nenni, dit le cheval, car le cheval nennit, de même que la caille carcouille, la huppe pullule et le loup glapit. « Mets-l'bas ! Mets-l'bas ! » insistait le duc. Et comme le cheval refusait toujours, il le tua, et le méchant duc le mangea mais de toute façon ils n'auraient pas eu beaucoup d'enfants, et voilà, bonne nuit les petits.

Vous prenez maintenant votre crayon et vous notez.

Pour bien réussir le cheval Melba, prenez un cheval. Un beau cheval. Le poil doit être lisse, c'est un signe de bonne santé. L'œil doit être vif, éveillé, et on doit y sentir, dans cet úil de cheval, ce regard indéfinissable, plein de tendresse débordante et de confiance éperdue dans l'homme dont ces cons d'animaux ne se départissent habituellement qu'aux portes des abattoirs. Donc, prenez un cheval. Comptez environ huit cents kilos pour mille deux cents personnes. Pendant qu'il cherche à enfouir son museau dans votre cou pour un câlin, foutez-y un coup de burin dans la gueule. Attention ! Sans le tuer complètement : le cheval, c'est comme le homard ou le bébé phoque, faut les cuire vivants, pour le jus, c'est meilleur ! Bon. Réservez les os et les intestins pour les enfants du tiers-monde. Débarrassez ensuite la volaille de ses poils, crinière, sabots et de tous les parasites qui y pullulent, poux, puces, jockeys, etc.

Réservez les yeux. Mettez-les de côté, vous les donnerez à bébé pour qu'il puisse jouer au tennis sans se blesser, car l'œil du cheval est très doux.

Préparez pendant ce temps votre court-bouillon, avec sel, poivre, thym, laurier, un oignon, clou de girofle, persil, pas de basilic, une carotte et un mérou qui vous indiquera, en explosant, la fin de la cuisson à feu vif, comme pour la recette du chat grand veneur : quand le chat pète le mérou bout et quand le chat bout le mérou pète.

Quand l'eau commence à frémir, le cheval aussi. Attention : s'il est rouge, c'est un homard. Si le cheval se sauve, faites-le revenir avec une échalote dans une cuillerée à soupe d'huile d'olive ou, si c'est un cheval arabe, dans une demi-cuillerée d'huile d'AAHHARA- CHID !

A l'aide d'une écumoire, chassez le naturel, s'il revient au galop, c'est que vous avez vraiment mal ajusté votre coup de burin : il faut toujours vérifier l'assaisonnement - et PAN dans la gueule. À mi-cuisson, passez au chinois. Si vous n'avez pas de Chinois, passez au nègre. Éteignez la cuisson. Mais ne sortez pas encore le cheval Melba de la casserole. Laissez-le Marinella.

Pour accompagner cette délicieuse recette, je vous conseille un saint-émilion léger, Corbin Michotte 78, par exemple. En tout cas, pas d'eau ! Jamais d'eau !

J'en profite pour préciser ma pensée. Il y a quelques jours, j'ai parlé ici de deux livres qui dénonçaient les méfaits de l'eau : Faut-il euthanasier les aquaphiles ?, aux éditions Laffont-La Caisse, et La mort sort du robinet, aux éditions la France Empire et la Cirrhose aussi. Et voici un court extrait de ce dernier ouvrage :

1. Qu'est-ce qu'un aquaphile ?

L'aquaphile est un être asocial. À première vue, il a l'aspect d'un homme normal, mais quand on lui présente un verre de pauillac 1947, il le repousse et réclame un verre d'eau. Ceci constitue à l'évidence une manifestation de démence aiguë. En effet, une analyse approfondie d'un verre d'eau m'a permis de constater, avec effarement, que ce liquide est exclusivement composé d'oxygène et d'hydrogène, deux produits chimiques extrêmement dangereux, car l'hydrogène brûle, et l'oxygène gêne.

En s'adonnant ainsi à l'eau, l'aquaphile se conduit comme une bête. Pire : comme une plante, son comportement évoquant assez fidèlement celui de l'anémone, à cette différence près que l'anémone boit par la queue. Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit, je ne parle pas de l'ex-présidente de la République, mais de la fleur.

2.Qui est aquaphile en 1982 ?

D'après les chiffres de l'INSEE, 40 % des communistes et 75 % des membres du fan-club de Julio Iglesias sombrent régulièrement dans l'eau en carafe, à la recherche vaine d'on ne sait quel paradis artificiel. Je dis « paradis artificiel », car en effet, que reste-t-il, une fois dissipée la fugace euphorie qu'accompagne l'absorption du verre d'eau ? Rien d'autre que l'insupportable angoisse d'une nouvelle journée qui commence sans amour, sans joie, sans chaleur humaine, bref : sans pinard.

3. L'aquaphile : un malade ou un criminel ?

On peut affirmer avec certitude que les plus grands criminels de l'Histoire, d'Attila à Pierre Desgraupes, ont été, ou sont, de grands buveurs d'eau.

Ravaillac : ses dernières paroles, avant de mourir écartelé, ont été : « Donnez-moi un verre d'eau, je sens que je vais craquer. »

Hitler : il avalait quelquefois jusqu'à cinq litres d'eau par jour. Certes, on ne peut affirmer qu'il fut un grand criminel, mais comme peintre, il était nul. D'autre part, à Vichy, Pétain buvait de l'Évian. Et à Évian, les fellouzes buvaient du Vittel.

Quant aux accidents de chemin de fer dus aux excès d'eau, c'est horrible. Une voie, deux trains, trois raisons de boire Contrexéville ? BOUM !

Oui. J'irai plus loin. J'affirme que même lorsqu'on ne la consomme pas, l'eau est un fléau. Dès 1590, Sully fut le premier à remarquer que les inondations, cet autre fléau, pouvaient être provoquées par un excès d'eau. Ce qui l'amena à noter, dans ses Mémoires des sages : Labourage et pâturage sont dans un bateau. Labourage tombe dans l'eau, qu'est-ce qui reste ?

Donc Troisgros est coupable, mais son avocat vous en convaincra mieux que moi.

Pierre Troisgros : Question taraudante : le grand cuisinier aurait-il eu autant de succès s'il s'était appelé Quatremaigres ?

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