Paroles de la chanson Réquisitoire contre Frédéric Mitterrand par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Frédéric Mitterrand par Pierre Desproges

Réquisitoire contre Frédéric Mitterrand

15 mai 1981

Françaises, Français,
Belges, Belges,
Mon président mon chien,
Monsieur le ténor du fado,
Mon cher Mitterrand (vous permettez que je vous appelle Mitterrand ?),
Mesdames et messieurs les jurés tirés au sort,
Public chéri, mon amour.

Alors, comme ça, Mitterrand, vous secouez vos vieilles pellicules dans le noir ? Sacré Mitterrand ! Je signale aux auditeurs qui prendraient l'émission en cours que c'est Mitterrand que nous allons condamner à mort ensemble aujourd'hui. Pas n'importe quel Mitterrand. Pas Albert Mitterrand : Mitterrand lui-même. Le Mitterrand. Sacré Mitterrand. Je lis, et croyez bien, mesdames et messieurs les jurés, que ma stupeur n'est pas feinte, je lis que la cour présidée par monsieur Villers accuse Mitterrand d'incitation au passéisme ! Enfin, Claude, soyons logiques, soyons sérieux, comment un homme nouveau comme Mitterrand pourrait- il inciter les Français au passéisme ?

Que vous trouviez Mitterrand antipathique, monsieur Villers, c'est votre problème. En revanche, nous le savons, et pas seulement de Marseille, les sympathies ou les antipathies personnelles des magistrats d'un tribunal ne sauraient en aucun cas entrer en ligne de compte lorsqu'il s'agit de juger un homme en son âme et conscience. C'est la sérénité de la justice qui est en cause, et cela aussi, nous le savons, et pas seulement aux huiles d'amandes douces, grâce auxquelles Mitterrand a su conserver depuis le début de la Quatrième République la fraîcheur éclatante de son teint de jeune fille.

Quand Pierre Mendès France gouvernait la France en assumant conjointement la décolonisation extrême- orientale et l'hyper-lactation des cours préparatoires, que faisait Mitterrand ? Il faisait encore pipi au lit !

Plus tard, quand de Gaulle est arrivé au pouvoir, porté par une incroyable ferveur populaire et soutenu par les grossistes en merguez d'outre-Méditerranée, que faisait Mitterrand ?Mitterrand, en 1958 - je le précise à l'intention des auditeurs qui prendraient cette émission du Tribunal des Flagrants Délires en cours : c'est bien Mitterrand que nous jugeons aujourd'hui. Pas Alphonse Mitterrand. Mitterrand. Le Mitterrand. Sacré Mitterrand.

Mitterrand, disé-je, en 1958, avait à peine entamé sa puberté. Plus il était dans les choux, plus il s'obstinait à croire que la vie naissait dans les roses ! Et puis, il découvrait ses mains, s'agitant de la droite et lisant Union de la gauche...

Enfin bon, je ne m'avancerai pas plus avant sur ce terrain glissant, et je ne suivrai pas plus longtemps le président Villers dans cette affaire. Les auditeurs ne sont pas dupes, monsieur Villers. Vous avez convié monsieur Mitterrand à participer à cette émission sous couvert de parler de la crise du cinéma, mais là n'était pas votre vrai propos, monsieur Villers. Vous avez invité Mitterrand uniquement pour vous foutre de sa gueule. Et ça, mon petit Claude, c'est indigne. C'est dégueulasse. Mitterrand est un homme simple et naïf. C'est un peu... la Mère Denis de la cinéphilie. Du moment qu'on le laisse tranquillement zieuter ses vieilles pelloches rayées dans le noir, c'est un être inoffensif. Comme disait Yvonne de Gaulle en regardant son mari s'envoler pour Londres en juin 40 : « Pendant qu'y fait ça, il est pas au bistrot. »

Et puis, quoi, soyons charitables avec Frédéric Mitterrand. (Je le dis pour ceux qui prennent l'émission en cours : c'est Frédéric Mitterrand.) Ce qui va arriver dimanche dernier à son tonton François, personne n'oserait le souhaiter à son pire ennemi. Pauvre vieux François !

Enfin, l'important est que cette putain de campagne électorale soit enfin terminée. Quand on pense que près de 80 % des comédiens sont au chômage, et que pendant des semaines on nous a imposé, à l'heure de la plus grande écoute télévisée, le spectacle affligeant de clowns au noir et de gugusses non déclarés, on ne peut que se réjouir que tout soit fini.

Enfin, tout ce cirque n'a pas été vain, puisque ce nouveau septennat s'annonce prometteur ; cette fois, c'est sûr : la peur nucléaire n'est plus qu'un mauvais souvenir, le budget de l'armée est transféré à la recherche sur le cancer, et les millions de petits bébés qui crèvent de faim comme des chiens dans le monde entier sont quasiment sauvés.

Ce n'est plus la France au fond des yeux : c'est la France au fond du couloir à droite !

Personnellement, le seul moment où j'ai vraiment vibré, pendant cette campagne présidentielle, ce fut le 5 mai à 20 heures 20, lorsque eut lieu sur les trois chaînes simultanément l'ultime débat opposant les deux seuls survivants de la bataille historique opposant la vieille droite pourrie à la vieille gauche pas fraîche. Sur les TROIS chaînes ! Y z-auraient pu au moins nous mettre les interdits de Coluche sur la 3, puisque personne n'aurait regardé !

Ce qui m'est apparu superbe, magnifique et bouleversant dans cet ultime débat historique du 5 mai 1981, c'est qu'il a été tourné dans le studio 101 de la Maison de la Radio. Mon immense modestie et l'incommensurabilité de mon humilité congénitale m'empêcheront- elles de l'avouer ? Non : le studio 101... c'est ce même studio 101 où j'ai osé faire mes débuts à la télé, il y a cinq ans, grâce à un maître bourré d'humour cinglant et d'essivité joviale trop tôt disparu, hélas ! On pense qu'il s'est noyé dans un océan de zitronade. L'émission s'appelait Le Petit Rapporteur. Or, la semaine dernière, j'ai donc revu ce même studio 101, avec son décor disposé un peu de la même façon qu'il y a cinq ans, avec les mêmes fauteuils. Et quelle ne fut pas ma stupeur, en voyant dans ce qui me semblait bien être mon ancien fauteuil, celui sous lequel je collais les chewing-gums que Daniel Prévost me jetait affectueusement à la gueule pendant l'émission, quelle ne fut pas ma stupeur, dis-je, de voir dans ce fauteuil où j'avais naguère posé mon cul, celui ô combien plus illustre de Valéry Giscard d'Estaing, alors que celui de François Mitterrand trônait en face, dans le fauteuil de Collaro. Ah, dur, dur ! Ah, mon Dieu ! Comme le disait si judicieusement madame Rosenblum en se dissolvant doucement dans la baignoire d'acide sulfurique du docteur Petiot : « On est bien peu de chose ! »

C'est vrai : on est bien peu de chose ! Quelle ironie, pour deux hommes politiques aussi magnifiquement grandioses que Giscard et Mitterrand ! Aller à la pêche aux voix et se retrouver à la pêche aux moules.

En vérité, Françaises, Français, deux grandes dates seulement auront marqué cette campagne présidentielle qui n'est plus aujourd'hui qu'un souvenir, d'ailleurs : il nous faut maintenant tirer un trait sur le passé afin d'oublier nos vaines querelles pour repartir avec un sang nouveau vers ces sept années qui, n'en doutons pas, seront aussi merdiques que les sept dernières.

Oui, ces deux dates inoubliables auront été le 5 novembre 1981, annonce de la candidature de Coluche, et le débat du 5 mai 1981 :

5 novembre 1981 : Un gugusse quitte son tabouret de gugusse pour se jeter dans l'arène politique. 5 mai 1981 : Deux battants de la Cinquième quittent l'arène politique pour se poser dans des fauteuils de gugusses. La boucle est bouclée, la France est éternelle. Vive la France. Quant à vous, Frédéric Mitterrand, votre tonton s'est rendu célèbre en coupant la queue des roses. Personnellement je ne réclame que votre tête !

Frédéric Mitterrand : Neveu, cousin ou fils caché - un de plus, un de moins - de l'autre, cet esthète précieux et volubile a brusquement disparu du paysage mondain où il évoluait. On peut le retrouver sur la chaîne Histoire où il commente en différé le mariage de la reine Elizabeth.

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