Paroles de la chanson Le Schpounz (Scène de l'épicerie) par Fernandel

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Paroles de la chanson Le Schpounz (Scène de l'épicerie) par Fernandel

Baptiste - C'est toujours la même chose et ce sera toujours la même chose. On ne saura jamais, on ne saura jamais qui c'est qui a laissé la corbeille de croissants sous le robinet du bidon de pétrole. Non, ça, on ne le saura pas. Et j'aurais beau faire une enquête policière, voilà une affaire dont je ne saurai jamais rien !
Irénée - En tout cas, il y a une chose que je sais, c'est que c'est pas moi.
Clarisse - Moi, j'étais à la messe. Je sais bien que c'est pas moi non plus.
Baptiste - Alors, qui est-ce ?
Irénée - C'est peut-être un client de l'épicerie qui, en voulant prendre un croissant, a tiré le panier sans y faire attention et de telle façon que le panier de croissants est venu se placer sous le robinet du bidon de pétrole.
Casimir - Tu en as pris, toi, des croissants ?
Irénée - Oui, naturellement, j'en ai pris ce matin pour mon petit-déjeuner, hein, pour me nourrir
Baptiste - Ça... non !
Irénée - Pourquoi "Ça... non !" ?
Baptiste - Parce que tu manges mais tu ne te nourris pas. Celui qui te nourrit, c'est moi. Ton père, qui était mon frère, ne l'aurait pas fait. C'était un brave homme, oui, mais il n'aimait pas qu'on se foute de lui.
Irénée - Tu me l'as déjà dit bien souvent, ça.
Baptiste – Et ça n'a jamais servi à rien.
Irénée - Alors, à quoi ça sert de me le redire ?
Baptiste - Oh ! Je sais bien que j'ai tort. J'ai tort d'espérer qu'un jour tu comprendras qu'il faut travailler pour vivre et que le métier d'épicier est aussi honnête qu'un autre, et qu'un grand galabar de vingt-cinq ans pourrait fort bien aider son oncle, oncle qui l'a recueilli, qui l'a nourri et qui continue à le nourrir en s'esquintant le tempérament.
Irénée - Je vois clairement où tu veux en venir. Tu vas encore me dire que je suis un bon à rien.
Baptiste - Oh, que non ! Bon à rien, ce serait encore trop dire ! Tu n'es pas bon à rien, tu es mauvais à tout. Je ne sais pas si tu me saisis mais moi, je me comprends.
Irénée - Je te saisis et je suis profondément blessé.
Baptiste - Voilà comme il est. Il fait des grimaces et tout ce qu'on peut lui dire, il s'en fout ! Ton frère, au moins, lui, il est reconnaissant. Lui, il travaille dans le magasin. Il met un point d'honneur, lui, à se tenir au courant de nos difficultés. Le baril d'anchois qui était moisi, c'est lui qui a réussi à le vendre à Monsieur Carbonnière, l'épicier des Acapes ! Et pourtant, c'était difficile, les anchois avaient gonflé, ils étaient pleins de petits champignons verts, on les aurait pris pour des maquereaux. Eh bien, il a vendu ce baril !
Irénée - Il est aveugle, Monsieur Carbonnière ?
Casimir - Je lui ai dit que c'étaient des anchois des Tropiques.
Baptiste - Voilà ! Voilà l'idée, voilà l'imagination ! Il a trouvé ça, lui !
Irénée - Oh lui... lui, moi je sais bien ce que c'est qui lui a monté l'imagination à lui.
Casimir - Et qu'est-ce que c'est ?
Irénée - Tu savais très bien que ces anchois, si tu les avais pas vendus, c'est nous qui les aurions mangés. Ouais, ici, sur cette table, les anchois des Tropiques, nous les aurions vus tous les jours, jusqu'à la fin du baril... ou jusqu'aux obsèques tropicales de la famille.
Casimir - Qu'est-ce que ça veut dire ?
Irénée - Ça veut dire que ce pâté de foie, c'est celui que tous les clients te refusent parce qu'il a tourné. Alors, depuis huit jours, il est là, lui, sur cette table, lui, aigrement, pour me nourrir, lui. Hé hé, mais pas si bête ! Je mangerais plutôt de la mort aux rats. Et ce rôti de porc, il est avarié. Il y a une personne qui en a mangé une tranche, c'est Madame Grazziani. Je dis "C'est" parce que nous sommes aujourd'hui. Mais demain il faudra peut-être dire "C'était" parce qu'elle est couchée depuis cette tranche et qu'à l'heure qu'il est, elle est peut-être à l'agonie, tranchée... adieu, Grazziani !
Clarisse - Oh, Irénée ! Mais qu'est-ce que tu dis ? Elle a soixante et seize ans. Elle a fait une indigestion.
Irénée - Mais il faudrait qu'elle ait plus de lunettes, plus de palais, plus d'odorat pour s'offrir une indigestion de ce rondin malsain de viande ambulante. Et il en reste pour demain. Ah ah ah ! On devrait l'attacher dans l'assiette parce que, cette nuit, il va s'en aller.
Clarisse - Baptiste ! Ce qu'il faut entendre !
Baptiste - Laisse-le dire, Clarisse. L'exagération de sa critique en démontre l'absurdité. Cette viande est excellente et j'en ai mangé par gourmandise.
Irénée - Oui,mais toi tu as l'habitude. En ce qui concerne les poisons alimentaires, tu es vacciné, fortifié, blindé. Il les avale, il les digère, il les distille. C'est un véritable alambic. C'est l'alambic des Borgia !
Baptiste - Dis ! Moi, tu...tu m'appelles alambic ? Grossier !
Clarisse – Irénée ! Tu sais que si l'oncle se met en colère...
Irénée - Oh ! Si l'oncle se met en colère, il va encore s'étouffer comme d'habitude. Et ça me fera de peine parce que l'oncle, malgré sa sauvagerie envers moi, je l'aime beaucoup.

Carbonnière – Bonjour ! Vous en avez encore, des anchois des Tropiques ?
Baptiste – Non, pour le moment, nous en manquons.
Carbonnière – Et quand c'est que vous en aurez ?
Baptiste – Oh, il faut du temps pour les faire... dans deux ou trois mois, quand ils seront mûrs.
Carbonnière – Je peux pas en trouver ailleurs ?
Baptiste – Ah, impossible ! Spécialité de la maison !
Carbonnière – Alors, tant pis. Merci. Au revoir.
Baptiste – Au revoir.

Baptiste - Bravo ! Voilà une fière leçon pour toi. Admire cet enfant. Il nous arrive une catastrophe, un désastre. Cinquante kilos d'anchois se moisissent sans rien dire... Eh bien, lui, de notre désastre il fait une spécialité, il crée un poisson nouveau, poisson auquel Dieu n'avait pas pensé et il en fait une friandise inconnue.
Irénée - Il a peut-être eu tort de vendre tout le paquet au même épicier, à celui des Acapes, parce que ce paisible village, sa friandise va peut-être le dépeupler en quinze jours car le poisson nouveau va les empoissonner !
Baptiste – C'est ça, dénigre-le, reproche-lui son initiative. Casimir, je te félicite. Voilà dix francs pour tes menus plaisirs. Et n'écoute pas les sarcasmes de l'inutile. Hum, j'ai une envie terrible de me mettre en colère.
Clarisse – Non, Baptiste, non ! Tu vas t'étouffer !
Baptiste – Est-ce que ça ne vaut pas la peine que j'étouffe une fois de plus quand j'entends des choses pareilles ? Mais, nom de Dieu de Trafalgar, est-ce que c'est imaginable un individu qui ne veut pas travailler ?
Irénée – Ah pardon, je ne veux pas travailler à l'épicerie, c'est tout, hé ! Quand je me vois dans cette boutique...
Baptiste – Ce n'est pas une boutique, c'est un magasin. Je te le dis pour la cinq centième fois !
Irénée – Si tu veux... quand je me vois dans ce magasin entre la morue sèche et le roquefort humide, eh ben, ça me donne mal au cœur. De discuter sur la qualité des pommes de terre avec Madame Loribouchon qui veut toujours les payer un sou de moins, ça ne m'intéresse pas. Je ne suis pas né pour ça.
Baptiste – Et pour quoi es-tu né ?
Irénée – Pour une autre carrière. Je suis sûr que j'ai un don.
Baptiste – Si tu possèdes quelque chose, c'est certainement un don parce qu'avec l'argent que tu as gagné, tu n'as pas pu t'acheter grand-chose.
Irénée – Je parle d'un don naturel, d'un don de naissance, d'un don de Dieu !
Clarisse – Ça nous fait bien plaisir d'apprendre que tu as un don de Dieu.
Baptiste – En dehors de ton appétit, de ta grande gueule et de ta paresse, qu'est-ce que Dieu a bien pu te donner ?
Irénée – Un talent ! Un talent caché !
Baptiste – Bien caché, hé.
Casimir – Moi, je sais ce que c'est
Irénée – Si tu le dis après les promesses que tu m'as faites, tu seras un homme déshonoré !
Casimir – Je ne le dis pas, je dis seulement que c'est vrai, que tu as un talent caché et que moi, je le sais depuis longtemps
Baptiste – Et ça peut rapporter quelque chose, ce talent ?
Irénée – Des millions, tout simplement
Baptiste – Des millions de quoi ?
Irénée – De francs
Baptiste – Folie des grandeurs, ramollissement de la cervelle !
Irénée – Espoir légitime et naturel.
Baptiste – Délire pitoyable d'un prétentieux.
Irénée – Bon sens et logique d'un Français moyen.
Baptiste – Fantasmagorie de jobastre.
Irénée – Méfiance de boutiquier.
Baptiste – Pauvre, pauvre, pauvre couillon !

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