Paroles de la chanson Réquisitoire contre Huguette Bouchardeau par Pierre Desproges

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Paroles de la chanson Réquisitoire contre Huguette Bouchardeau par Pierre Desproges

Réquisitoire contre Huguette Bouchardeau

6 octobre 1982

Françaises, Français,
Belges, Belges,
Stéphanipontaines, Stéphanipontains,
Mon président mon chien,
Maître, ou ne pas mettre, voilà la question,
Madame l'ex-future présidente,
Mesdames et messieurs les jurés,
Public chéri, mon putain d'amour.
Bonjour ma hargne, salut ma colère, et mon courroux...
Coucou.

Certes, le cas d'Ariette Laguiller ici présente est extrêmement préoccupant. J'entends par là que je comprends, monsieur le président, maître, mesdames et messieurs les jurés, que ce cas vous préoccupe. En revanche, en ce qui me concerne, je vous ferai la fameuse réponse de Vendredi à Robinson Crusoé qui lui demandait de faire tomber des noix de coco en remuant le tronc d'arbre : « J'en ai 'ien à secouer, connard, c'est un bananier. » Je souligne en passant qu'il était extrêmement rare, à l'époque, de voir un homme de couleur s'adresser sur ce ton à un navigateur britannique. Il faut savoir cependant que les relations entre Robinson et Vendredi avaient assez vite atteint un degré d'intimité qui autorisait ce genre de coups de boutoir faits à la bienséance, si j'ose m'exprimer ainsi.

Tandis que je parle ainsi, je vois bien que s'allume dans votre œil, monsieur le président, la flamme de l'intelligence qu'attise votre intense passion pour la vérité historique. Croyez bien que je ne suis pas insensible à votre soif de culture, à vous, monsieur le président, et à tout le monde ici, excepté, il est vrai, l'incroyable farfadet, ankylosé du bavoir, qui broute ici son ennui, en agressant mollement ses parasites crâniens grâce au peigne à poux en épine dorsale de morue que sa tata Rodriguez lui a envoyé de Lisbonne en paquet fado.

Eh bien, puisque vous insistez tant, mesdames et messieurs - non, n'insistez plus, vous me gênez -, je m'en vais vous conter la vraie et pathétique histoire de Robinson et Vendredi.

Seul sur son île depuis plus de vingt ans, Robinson s'ennuie. Sa détresse morale, sentimentale et sexuelle est immense. Pourtant, au début, il s'est farouchement accroché aux choses de l'Esprit, « l'Esprit » étant le nom de son cochon sauvage. Ne ménageant pas sa peine, il a amoureusement tissé de ses mains des porte-jarretelles en fibre de coco dont il a revêtu sa tortue de mer, suivant le schéma mental qu'allaient utiliser trois cents ans plus tard les plus grands trouducologues américains pour réanimer les pulsions vacillantes de leurs clients. Puis Robinson a tenté de réinventer le strip-tease, plumant sa vieille perruche en chantant « Déshabillez-moi, déshabillez-moi, mais pas tout de suite... », mais, je vous le demande, une vieille perruche à plumes vaut-elle une vieille poule à poils ? Non !

À la fin, Robinson était tellement obsédé qu'il sautait, j'ose à peine le dire, il sautait même des repas. Alors il a sombré dans la déprime. Et puis, miracle ! Il fait un temps radieux, ce 17 mai 1712, à midi, quand Robinson Crusoé arpente la face nord de son île. La mer est calme, le ciel d'un bleu limpide promène çà et là la mince écharpe de soie d'un léger cumulus (si quelqu'un, dans l'auditoire, s'estime en mesure de prouver le contraire, qu'il écrive sans plus attendre à Luis Rego, le Courrier des Imbéciles, France Inter, 116, avenue du Président-Kennedy, Paris 16e).

Robinson est soucieux. Son large front, buriné par vingt années d'un soleil abrupt, où le vent du large fait trembler ses mèches blondes de plébéien gaélique décolorées par le soleil et ternies par l'âpre amertume de l'iode marin, ce large front, chargé de vingt ans de souvenirs et de sombre mélancolie, se barre d'un pli soucieux qui va de là à là, voir figure 1. Qui dira la souffrance de cet homme exilé loin de sa terre anglaise, loin de sa femme anglaise, loin de sa semaine anglaise, loin de son assiette anglaise ? Malgré la chaleur intense, il a froid, Robinson, froid d'un froid intérieur qui lui vient de l'âme et qu'il ne parvient pas à vaincre, même en relevant le col de sa capote écossaise. Il est au bord du désespoir, car maintenant, ce n'est plus seulement son front qui se barre, c'est son caleçon de laine (anglaise), son large caleçon long, buriné par vingt années d'un soleil abrupt, où le vent du large fait trembler ses mèches blondes de plébéien gaélique décolorées par le sel et ternies par l'âpre amertume de l'iode marin, ce large caleçon, chargé de vingt années de souvenirs et de sombre mélancolie, se barre tristement et glisse sans grâce sur ses larges genoux de plébéien gaélique décolorés par le sel. Soudain, Robinson dresse l'oreille, entre autres. Ce qu'il a entendu, il ne peut le croire ! Non ! C'est... c'est impossible... c'est... c'est fou... ce serait trop beau, trop extraordinaire ! Et pourtant... Mes chers amis, je vous retrouve après une page de publicité.

Merci ! Mes chers amis, pour ceux qui prennent l'émission en route, je rappelle qu'il fait un temps radieux, ce 17 mai 1712 à midi alors que Robinson Crusoé arpente la face nord de son île tandis que son front et son caleçon se barrent, respectivement d'un pli soucieux et sur ses genoux, le tout extrêmement buriné.

Soudain, Robinson dresse quoi ? L'oreille. Non, il ne rêve pas. Après vingt années de solitude totale sur cette île, alors qu'il n'espérait plus jamais voir un être humain, c'est bien une voix humaine qui monte vers le ciel, psalmodiant gaiement cette mélopée sauvage qui pour Robinson, à cet instant, vaut toutes les sonates de Mozart, qui n'était d'ailleurs sûrement pas né en 1712, mais je m'écarte du sujet alors que, pour reprendre les termes de monsieur Michel Debré : « Ce n'est pas en s'écartant du sujet qu'on va repeupler la France. »

Par-dessus l'ample rideau de liane de la forêt vierge, la voix se rapproche. À présent, Robinson en est certain. Ou bien c'est un homme, ou bien c'est un nègre ! Écoutons :

(Musique des Feuilles mortes)

Moi y en a vouloi' toi y te souviennes
Li jou z-heu'eux toi y en a mon z'ami
En ci-temps là, ma doudou li plus belle
Et son derrière plus b'ûlant qu'aujourd'hui.
Mes 'oubignolles se ramassent à la pelle
Toi y en as failli marcher d'ssus
Mes 'oubignolles se ramassent à la pelle
Les souveni' et le reg'ets, mon cul.

À cette musique divine, Robinson ne se sent plus de joie. Un immense frisson d'espoir le parcourt de là à là, voir figure 2. Il se retourne. Et, là, émergeant soudain entre les troncs nacrés de deux platanes dont on est en droit de se demander ce qu'ils foutaient là à quinze mille bornes d'Aix-en-Provence, apparaît, nu comme un dieu et beau comme un ver, ou le contraire, c'est comme vous voudrez, un être magnifique, mi- homme, mi-nègre. Sa large bouche gourmande aux lèvres charnues, à l'ourlet délicatement boursouflé, semblant plus faite pour le baiser que pour l'arrachage des betteraves sucrières, se barre d'un pli soucieux qui va de là à là, voir figure 3.

Robinson n'y tient plus. Prenant son courage et son caleçon à deux mains, si vous le voulez bien, il se précipite vers l'homme. Mais celui-ci prend peur. C'est la première fois de sa vie qu'il voit un homme blanc. Il tente de fuir vers la forêt, mais Robinson, enfin débarrassé de ses angoisses et de son putain de calebar, court plus vite encore. Trop affolé pour regarder où il met les pieds, l'inconnu se prend la jambe dans une liane. Il s'étale de tout son long. Complètement terrorisé, il se retourne vers son poursuivant... Mais c'est un large sourire qui vient aux lèvres de Robinson qui s'approche du malheureux sauvage terrorisé, et qui, mettant un genou en terre, se penche vers ce pauvre homme et dit : « Vous avez votre carte de séjour ? »

Tels furent, mesdames et messieurs, mes chers amis, les premiers mots de Robinson Crusoé à celui qui allait s'appeler Vendredi. Pourquoi « Vendredi » ? Ce sera l'objet d'une prochaine émission, ça suffit pour aujourd'hui. En attendant, voici maintenant une page de publicité pour les olives au porto et la morue fumée à la lisbonnaise.

Huguette Bouchardeau : Candidate à la présidence de la République en 1981, Huguette, c'était déjà un peu Ariette, mais au PSU on préférait les petits-fours aux merguez.

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